
Nous sommes assis à la terrasse d’un restaurant, Piazza Navona ; le taxi nous a laissés Piazza della Rotonda ; nous voulions revoir le Temple de tous les dieux ; puis nous avons flâné, amoureusement ; de cet amour par quoi aussi nous aimons Rome.
Ce matin, j’aime le Pantheon en ce qu’il m’apparaît. Qu’on ne m’en dise rien ; ni de son origine, ni de ses transformations, ni des étapes qui l’ont réduit de temple du panthéisme à basilique du monothéisme ; rien ; il porte en lui-même, haut de ses seize colonnes monolithes, une immense épaisseur. Je vois le temple, je vois les sept chandeliers de l’autel, le tombeau de Victor-Emanuel, père de l’Italie, celui de Raphaël, le marbre polychrome, et les rouges lunules semblables à celle qui signale le sacre de Charlemagne à Saint-Pierre en Vatican ; la coupole et son oculus où tombe la pluie en temps d’orage, qui recueillie sur le pavement s’écoule dans les vingt-deux orifices pratiqués dans le marbre.
Le serveur me dit : « E poi dopo ? » - “Un tiramisù, un gelato e due caffè !”
Le Café lungo du Bernini a la saveur dolce-amara des meilleures choses de la vie
Balzana me dit : « Tout était excellent aujourd’hui, le Martini, la pizza, le vin, le tiramisù … »
- « Et l’amour ? dis-je »
- « Toujours, répond-elle, sauf quand tu me fais des infidélités avec les belles Italiennes »
Balzana joue sur ce registre pour me faire plaisir ; une façon de me dire que pour rien elle ne voudrait me partager ; elle fait semblant de se faire peur ; elle sait bien qu’elle est le seul objet – le seul sujet – de mon désir. Je pense – du moins je crois – qu’elle m’aime, quand elle dit sa jalousie, dont elle sait pourtant que rien ne saurait la motiver ; aussi que je suis jeune, beau et séduisant ; même si c’était hier.
En amour, comme au Pantheon, le temps s’agglutine et s’efface.
C’est ce même vertige qui tant, Piazza Navona, ou au Pantheon, ou au Colosseo, au sous la Colonnade du Bernin au Vatican, me plait. .
Nous sommes assis au restaurant Il Bernini ; ici, le temps ne passe pas, il est, il demeure.
L’ombre se déplace, les nuages poméridiens fondent le blanc lumineux des fontaines dans l’ocre des palais.
Un cycliste passe en sifflant L’Internationale ; un groupe du troisième âge s’étire derrière un guide signalé par un fanion.
Un bruit de voix – un vocîo – un rire, des mots qui s’échappent ; comme une rumeur qui monte, atténuée par les ans, du cirque de Domitien.
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