mercredi 26 mars 2008

Mai 68, reviens !



Non, ce n’est pas un appel aux barricades, ni aux charges de CRS et aux jets de pavés, aux arbres tronçonnés Boulevard Saint Michel, aux grenades lacrymogènes et aux voitures en feu, aux étudiants qui « manifent », à la permissivité revendiquée, aux enseignants et aux ouvriers en grève … Non, c’est un rappel de l’esprit qui, en France et bien ailleurs, nous animait, et que les débordements d’alors dans la rue, aujourd’hui occultent. Mai 68 dit-on commença en mars à Nanterre ; en vérité ce fut bien plus tôt ; on en trouve les germes dans le mouvement de réflexion et de propositions pour la réforme sociale qui se développa dans les années précédentes.
L’un des aboutissements de ce mouvement, fut dans le domaine universitaire, à l’initiative de l’AEERS (Association d’étude pour l’expansion de la recherche scientifique) le Colloque d’Amiens (15-17 mars 1968), lequel faisait suite au Colloque de Caen tenu l’année précédente.
Qu’on en juge : le rapport final de la commission « Finalité de l’enseignement » définit quatre objectifs :
- développer chez l’enfant l’aptitude au changement …
- créer les conditions pour qu’il puisse se construire une personnalité solide …
- lui permettre de maîtriser les conditionnements économiques au lieu de se laisser asservir
- lui apprendre la participation …

D’ailleurs le ministre nommé en juillet 68 par le général de Gaulle, Edgar Faure, auteur quelques années plus tard du rapport de l’UNESCO Apprendre à être, avait alors comme conseiller technique le recteur Gérald Antoine, participant du Colloque, lequel comptait aussi parmi ceux-ci René Haby qui fut ministre de 74 à 78, promoteur du « Collège unique » dont l’objectif était de supprimer les filières ségrégatives.

Ce fut en mai 68 qu’on vit aussi apparaître, dans les groupes de réflexion que j’animais autour du CRDP de Bordeaux, le concept de « Enseignement démocratisant », concept qui ne connut aucun succès par la suite, tant il mettait en question – comme nous le pensions d’ailleurs – la croyance insoupçonnable dans la démocratie avérée de la société française. Proposer que l’enseignement pût constituer un levier pour la construction de la démocratie, impliquait un changement radical de paradigme de la pensée : la démocratie n’était plus un état, un système établi dans lequel on vivait, mais un projet, un « à construire », auquel il fallait préparer la jeunesse. « Apprendre à devenir » avait-on également dit au Colloque d’Amiens.

Aujourd’hui ? Quarante ans après ? Quel regard sur ces quatre décennies ? Et quel regard aussi sur les réformes annoncées, de « retour aux fondamentaux », avec comme présupposé que ce qui est fondamental c’est de maîtriser des techniques (ce dont personne ne viendra nier l’importance) et non de développer son intelligence.
(RLB- 24 Mars 2008)


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je n'ai pas été de ces esprits précoces qui à l'aube de leurs vie, avaient déja (comme on dit), une conscience politique. Car je n'avais que 16 ans en 68, et j'étais encore dans le cocon de l'enfance alors que d'autres avaient 16 ans bien sonnés et n'hésitaient pas à inscrire leur nom dans l'histoire (comme dit Léo Férré bien sûr, pas Drouyn). Cependant, j'étais dans la mouvance qui nous a tous emporté, j'étais dans les idées de 68, il est ainsi des évènements où l'on se dit"c'est moi qui l'ai pensé". Nous étions à un carrefour de l'histoire, et le sachant nos vies prenaient un sens supplémentaires, car il est étonnant de savoir cela au moment où on le vit, mais c'est ainsi on savait que ces heures ces jours allaient décider de l'avenir d'un pays et plus encore de celui du monde. Comment, alors refuser de prendre cette voie, de refuser la mission qui échoie à toute jeunesse ? Celle de faire un monde meilleur ! On dira que c'est un peu emphatique, j'en conviens, on me dira aussi qu'il y eu tatonnements et abus, dans l'éducation nottament bien sûr, c'est vrai ! en 89 aussi et pour autant qui voudrez revenir en 88. Alors, aujourd'hui, personne ne reviendra en 67. Mais cette fenêtre ouverte sur le bonheur d'être, ouvrons la en grand: tant de choses sont à faire avec des soucis nouveaux que nous ne connaissions pas en 68 comme l'environnement et la misère des peuples sous développés qui engendrent le pouvoir des religions et des intolérances.