dimanche 20 juillet 2008

La fomation profssionnelle des enseignants

Pendant qu’élèves et parents sont en vacances, le ministre a multiplié les annonces, concernant la politique présidentielle en éducation, puis la réforme des lycées. Précédemment il avait annoncé les nouvelles modalités de recrutement des enseignants : Bac + 5 (niveau master) et affectation directe dans un établissement avec aide tutorale d’un ancien. Les grands principes de sa politique sont clairs : davantage d’autonomie : des parents pour le choix des établissements (c’est la question de la sectorisation, dite par erreur « carte scolaire »), des établissements pour leur responsabilité pédagogique, des élèves pour le choix de leur « bouquet » de disciplines (c’est le lycée dit « modulaire) ; plus d’aide personnalisée et différenciée (aide individuelle aux élèves rencontrant telle ou telle difficulté, momentanément ou non) ; plus de réussite (reprise des objectifs de la loi Jospin de 1989 : 80% de réussite au baccalauréat) ; plus de responsabilité (mise en concurrence des établissements et responsabilité au regard des résultats des élèves).
Rien de tout cela n’est nouveau, on le retrouve dans le catalogue de bonnes intentions de quasiment tous les ministères depuis la réforme Berthouin qui en 1959 prolongea la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. Mais toutes ces dispositions – et d’autres – rencontrent la question de la formation professionnelle des enseignants : question qui, avec la suppression des Ecoles normales pour le premier degré, des CPR pour le second degré, n’a guère été résolue par la création des IUFM, selon les recommandations du rapport Bancel, en 1989.

Nous proposons d’examiner successivement plusieurs points selon nous cardinaux relatifs à la formation professionnelle.

Tout d’abord le principe. Les enseignants sont-ils des professionnels ? Et quelle est leur professionnalité ?
On donne habituellement la qualification de professionnel à des personnes qui, exerçant un métier, assument une responsabilité individuelle – même si c’est dans le cadre d’une activité collective – quant aux résultats obtenus. Il est donc difficile, stricto sensu, de considérer que les enseignants sont vraiment des professionnels.
D’une part parce que leur marge d’initiative est très restreinte, tant en matière de programmes, que de méthodes, que d’organisation du travail. Lorsque l’on considère l’histoire de l’innovation en France, on se rend compte que celle-ci a toujours été l’objet de méfiance, voire de sanctions de la part des autorités, notamment des corps d’inspection ; on ne trouve guère, dans le cours de la V° République, que trois ministres ayant favorisé l’innovation : Guichard, avec son mot d’ordre : « Organiser le mouvement » ; Beullac avec de notables impulsions notamment dans le domaine des nouvelles technologies (« Qui a peur de la télé ? Pas moi » dit le ministre, en première page d’un numéro de Télérama) et la création expérimentale des premiers organismes de formation continue, qui deviendront les MAFPEN (Missions académiques pour la formation des personnels de l’Education nationale, sous Savary) ; Savary enfin avec la Rénovation des collèges et des lycées, même si trop timidement en raison de l’opposition explicite des syndicats, et trop brièvement, Chevènement ayant « sifflé la fin de la rénovation » dès 1984.
Un projet de « Banque nationale de données sur les initiatives en éducation », conçue et expérimentée dans l’Académie de Bordeaux, ne verra jamais le jour en raison de corporatismes parisiens et d’une opposition larvée des Inspecteurs généraux.

D’autre part, mais probablement ceci explique cela, au moins en partie, parce qu’ils ne se sentent pas réellement responsables du résultat, en termes de réussite des élèves. La fameuse « Courbe de Gauss » selon laquelle dans une classe il y a toujours un lot de très bons élèves, qui réussiraient même sans l’aide du professeur, un contingent central de bons élèves qui, en travaillant peuvent bien réussir, une part enfin de « mauvais élèves » qui n’ont aucune chance de réussir, travaillant ou non, sert régulièrement de référence à l'établissement des notations. Au point que, c’est bien connu, si un jeune enseignant, convaincu de la pertinence du principe de réussite pour tous, parvient à obtenir un ensemble de bons résultats pour tous ses élèves ou presque, et donc en écart par rapport à la courbe normale, il est aussitôt accusé de laxisme par ses collègues : un bon prof, c’est celui qui dans sa classe a un lot de mauvais élèves, cela prouve sa rigueur et ses exigences !
L’élève est en réalité, le plus souvent (car il existe des enseignants positivement différents du portrait général que nous sommes en train d’établir), la variable d’ajustement du système éducatif. Sinon comment expliquerait-on qu’un adolescent réussisse avec tel enseignant, échoue avec tel autre ; à un niveau donné et non au suivant, et inversement ; dans tel établissement et pas dans tel autre ? C’est ce que les sociologues appellent « l’effet établissement. » et « l’effet enseignant ». Il existe aussi, à l’évidence un « effet élève » : travailleur ou paresseux, distrait ou concentré, motivé ou inintéressé, favorisé ou non par son milieu social et culturel, vif ou lent … ; mais ce sont là des caractéristiques normales liées à la diversité des personnes, et dans un groupe – toujours, quelles que soient les dispositions institutionnelles, hétérogène – on trouvera ces écarts naturels.
Dès lors que l’on considère que ces caractéristiques peuvent constituer des paramètres déterminants pour le résultat, alors on est hors de l’épure du professionnalisme.

Dans ce domaine les pesanteurs historiques sont très importantes : les enseignants sont des personnes qui n’ont jamais quitté l’école, qui ont simplement changé de statut, et qui se réfèrent implicitement dans leur enseignement aux modèles mis en œuvre par ceux qui ont été leurs professeurs. Egalement l’institution a toujours valorisé l’élitisme, républicain ou non ; la « fabrication de l’excellence » , l’esprit de concours, sont encore considérés comme des valeurs essentielles de notre école.
Changer de paradigme dans un domaine aussi sensible, traversé par les représentations parfois contradictoires des parents, n’est pas chose aisée. C’est pourtant indispensable, surtout si, comme on semble le souhaiter, l’objectif de l’école doit être la réussite de tous les élèves.

Un autre aspect de la professionnalité des enseignants ne saurait en aucun cas être négligé, c'est celui qui relève de la connaissance de ce qu’ils enseignent ; c’est la plus incontestable et incontestée. Rappelons que, à l’origine, la licence était licence d’enseignement, c'est-à-dire permission d’enseigner ; aujourd’hui d’ailleurs, quelle que soit la durée des études, les enseignants font partie des fonctionnaires de catégorie A, c'est-à-dire niveau licence. Il est certain que le recrutement prévu par le ministre au niveau du master (bac + 5 au lieu de bac + 3) est de nature à modifier la grille de rémunération. Licence donc dans une discipline donnée (Italien, mathématiques, lettres, histoire et géographie etc.), dont la maîtrise est censée donner la capacité de l’enseigner.

Mais ce que nous venons de présenter plus haut, dans le domaine de la professionnalité, relève de l’aspect fonctionnel du métier : la « transmission des connaissances » (expression que nous aurons l’occasion de récuser) : "J’enseigne la grammaire aux enfants". Restons un instant sur cette expression : le verbe enseigner a ici deux compléments : un d’objet direct (la grammaire) ; un d’objet indirect (aux élèves) ; en latin on disait : "Doceo pueros grammaticam" (littéralement : J’enseigne les enfants la grammaire) : deux COD ; l'enseignement a un double objet "direct", et l'enseignant une double professionnalité ; c’est aussi ce que disaient dans les années d’après guerre les partisans de l’Ecole nouvelle : « Si tu veux enseigner le latin à John, tu dois connaître le latin, tu dois aussi connaître John ».

Or, c’est un truisme de le dire, cela ne va pas de soi.
Tous les corps professionnels pourtant connaissent cette double compétence, les médecins (à qui on ne demande pas seulement des compétences en matière de connaissance du corps humain et des pathologies), les magistrats (pour qui on organise, après leurs diplômes de droit, plusieurs années dans l’Ecole de la magistrature), les journalistes, les inspecteurs (y compris dans l’Education nationale) … mais aussi les titulaires de CAP, de brevets professionnels, de DUT … Dans tout métier on conjugue des savoirs et l’exercice du métier. L’un comme l’autre constituent les objets de la formation.

Donner aux enseignants une vraie professionnalité implique donc que pour eux soit organisée une formation professionnelle spécifique concernant ces deux dimensions.



Prochaine livraison : la spécificité de l’école ou la rencontre de deux métiers : métier de prof., métier d’élève.

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