samedi 20 septembre 2008

Dieu, et au delà (II)

2) Un monde qui doute

La science, apparent paradoxe, dans sa recherche du vrai, a découvert et nous a livré l’incertitude ; c’est parce que l’on doute (et donc qu’on ne s’en remet pas aux croyances) que l’on cherche ; et ce que l’on trouve d’abord c’est l’étendue de notre ignorance (Jean D’Ormesson : « J’ai quelques lacunes dans l’océan de mon ignorance »).

Au point d’ailleurs que l’un des critères de la valeur scientifique d’une découverte est sa « falsificabilité » ; une découverte qui ne peut pas être contredite par une nouvelle découverte ne saurait être qualifiée de scientifique. Ainsi de la théorie de la relativité, ainsi des théories sur l’évolution, ainsi de le neurobiologie, et bien sûr des sciences dites humaines : sociologie, histoire, philosophie, psychologie ...

Le propre de la science c’est la recherche ; son produit c’est la découverte (rendre manifeste ce qui est couvert, caché, inconnu) ; sa méthode c’est le doute.

La science n’est donc pas une machine contre Dieu (ce que l’Eglise a souvent pensé : Galilée, Darwin, Freud …), mais une autre machine que la religion. Une machine à doute face à une machine à croire ; une machine à incertitude, fac à une machine à certitudes.

Notre monde, traversé par la science, les techniques, la matérialité des choses de la vie, la transversalité des relations et des échanges et leur globalisation, nous livre à tout instant à l’incertitude : rien s’est simple, tout est complexe (cf. récentes théories sur l’incertitude et la complexité) ; rien n’est sûr, tout est à la fois possible et improbable ; rien n’est stable ni définitif, tout est provisoire.

La philosophie existentialiste (incarnée en France par Jean-Paul Sartre) a inversé les pôles de nos références ; selon l’existentialisme, « l’existence précède l’essence » ; dans le cadre d’une religion révélée, « l’essence précède l’existence ». Pour les premiers, si Dieu « existe », il est une créature de l’homme (dont le propre est l’existence) ; pour les seconds, Dieu « est » avant tout, il a créé le monde existant. Plus que le marxisme et la psychanalyse freudienne, cette philosophie, développée dans l’après-guerre, lors d’une période où la vie dans son côté existentiel retrouvait les formes de l’espoir, est responsable du doute qui étreint nos consciences.

Or l’homme doute parce qu’il a besoin de certitudes, qu’il recherche, et qui sans cesse reculent devant lui. D’ailleurs s’il ne doutait plus, serait-il encore un homme ? Ou plutôt une abeille, un peuplier ou un roseau, un galet sur la grève ? L’homme disait Pascal, n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant.

Cette quête de certitudes, témoigne bien de nos incertitudes ; elle est présente dans la philosophie (Pascal), dans la littérature (Rimbaud : « Je suis celui qui voulait être Dieu ») et dans la science (travaux actuels du CERN), conduit « naturellement » à sa propre négation : le refuge dans la croyance qui nous donne un absolu, terme de toute recherche : son motif c’est l’espérance.

Dans notre monde incertain, tant au plan de la matérialité de l’existence qu’à celui du sens de notre vie, les trois « vertus théologales » des Chrétiens : la foi, l’espérance et la charité, apportent un répit à nos doutes, et une consolation (rite du consolamentum des Cathares) à nos angoisses existentielles. Croire (on ’a plus besoin de chercher) ; espérer (le sens de notre vie se trouve dans un autre monde) ; consoler ceux qui souffrent pour les aider à surmonter leurs difficultés dans cette « vallée de larmes ».

Il faut pourtant bien vivre en attendant cette autre vie promise ; et la mériter. Mais tout est prévu pour gérer notre misérable séjour sur terre, en attendant le trépas (le passage au delà) ; c’est le système qui nous est proposé avec Culpabilité / Pardon / Contrition / Pénitence / Absolution / Purification.

Nous sommes tous coupables ; notre première culpabilité est celle du péché originel attaché à l’acte de conception (seuls Marie et le Jésus ont été « conçus sans péché ») ; puis celle de nos fautes (les péchés véniels et mortels) qui résultent de nos désobéissances aux commandements de Dieu et de l’Eglise ; mais Dieu est pardon, on le prie d’ailleurs de pardonner : « Pardonnez-nous nos offenses » ; et il le prouve par le sacrifice de son fils, réalisé pour « expier nos péchés » et recréé périodiquement dans le « sacrifice de la messe » ; il exige cependant une participation : c’est d’une part la confession et la contrition, puis la pénitence (Savonarole, incitait compulsivement les Florentins à la pénitence, pour atténuer le courroux de Dieu, excédé par leurs fautes impies et leur soif de plaisirs matériels) ; à la suite de quoi on est absous de ses fautes, on retrouvé notre « virginité » et on peut donc, car notre condition humaine est tissée d’imperfections, rechuter et dès lors réinitialiser le système, jusqu’à l’extrême onction qui nous ouvre les portes du paradis.

N’en doutons plus ; ne doutons plus ; on voit bien que la foi nous sauve.

Prochaine livraison : 3) Un monde qui redoute



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