Maigrir, grossir, cliquer : un tiers du monde qui veut maigrir ; un autre tiers qui voudrait grossir ; enfin un troisième qui ne pense qu’à cliquer. Le monde en ses trois tiers serait-il devenu fou ?
Maigrir : Le Journal du Lot, 8 avril 1928, 80 ans, presque jour pour jour : parmi les nouvelles locales, les déclarations des élus, les horaires de chemin de fer, on trouve la « Réclame », ce qu’aujourd’hui on appelle la « Pub » : en lettres capitales : MAIGRIR ; plusieurs solutions sont proposées : les dragées Cigartina, le Savon Vert de l’Amiral (savonner les parties sur lesquelles on veut agir), ou l’adresse du bon M. Chardon, 10 rue saint Lazare à Paris, qui vous dira gratuitement comment il faut faire.
Ce n’est donc pas un phénomène de notre société contemporaine ; déjà il y avait des gros (l’iconographie des élus de la République en témoigne), des grosses aussi, et certains assurément voulaient maigrir.
«Perdre des kilos» est devenu de nos jours une véritable obsession, valorisée par des arguments médicaux (attention aux maladies cardio-vasculaires, au cholestérol …) ou esthétiques ( les beautés à la Giorgione ne sont plus guère appréciées, du moins en effigie, au quotidien c’est peut-être différent) ; le Femina du 6 avril 2008 y consacre un dossier de 12 pages sous le titre « Dis-moi ton âge , je te dirai comment perdre des kilos », réservé il est vrai exclusivement au beau sexe.
A partir de 102 cm de tour de taille pour les hommes et 88 cm pour les femmes, nous sommes atteints du « syndrome de la bedaine » affirme le Dr Boris Hansel dans son livre Surveillez votre ventre.
Grossir : pendant que nous sommes occupés à maigrir, une partie du monde manque de nourriture. Les femmes qui manifestaient le 1er avril à Port Bouet (quartier populaire dAbidjan) brandissaient une banderole sur la quelle on lisait : « Soro [Guillaume Soro, premier ministre] lesse nous grossir » (Le Monde samedi 5 avril). En Afrique les manifestations contre l’augmentation des prix ( En Côte d’Ivoire, le prix du kilo de riz est passé de 250 à 650 francs CFA – de 0,22 à 0,97 € - en un an) se multipient. Cette augmentation, selon les experts, est due aux mécanismes du marché : accroissement de la demande des pays émergents, transformation des surfaces cultivées pour produire des agrocarburants, déficit d’autosuffisance alimentaire des pays pauvres : en Mauritanie, par exemple, elle est seulement de 30% environ. Déjà en 2007 le directeur de la FAO, l’agence de l’ONU pour agriculture et alimentation, avait lancé un cri d’alarme et annoncé le risque d’émeutes de la faim.
Cliquer : pendant ce temps, un autre tiers « clique » et trouve en cet auguste geste toute perspective pour notre avenir : lors des entretiens des Civilisations numériques (CINUM) de l’année 2007, organisés par Aquitaine Europe Communication, on lit de très sérieuses analyses qui vont dans ce sens. Par exemple, selon Joël de Rosnay, écrivain bien connu et président exécutif de Biotics international, « La société en réseau, l’économie de l’immatériel, inspirent un certain nombre de réflexions pour 2037. […] L’environnement deviendra cliquable et l’on cliquera dans cet environnement avec notre corps, qui sera l’équivalent d’une souris, d’une télécommande ou d’un scanner […cela reviendra à] intégrer notre corps à des environnements intelligents bardés de puces électroniques … »
Brisons là ! en 2037, j’aurai 102 ans, je ne suis pas sûr d’être en mesure de cliquer.
D’ici là le premier défi auquel nous sommes de toute urgence confrontés est bien celui de l’alimentation d’une population mondiale en croissance exponentielle.
Le monde qui veut maigrir, le monde qui ne rêve que de cliquer, le monde qui voudrait grossir, entre temps s’ignorent ; ils obéissent à des répartitions qui ne sont pas seulement géographiques ; chaque continent contient des gens qui veulent maigrir, qui veulent grossir, qui cliquent. Le problème c’est que ce ne sont pas les mêmes et que s’il existe bien des cliqueurs obèses, on n’en rencontre guère d’affamés.
Le monde qui veut maigrir, le monde qui ne rêve que de cliquer, le monde qui voudrait grossir, entre temps s’ignorent ; ils obéissent à des répartitions qui ne sont pas seulement géographiques ; chaque continent contient des gens qui veulent maigrir, qui veulent grossir, qui cliquent. Le problème c’est que ce ne sont pas les mêmes et que s’il existe bien des cliqueurs obèses, on n’en rencontre guère d’affamés.
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